
Le rapport au corps
Un sujet intimement choisi par Mila, jeune diplômée en psychologie, partie poursuivre ses études loin de la capitale.
Je l'ai rencontré entre deux cartons pour échanger sur son histoire juste avant son déménagement.
Tout naturellement, nous avons abordé le sujet du corps par une étape de sa vie rudement menée, regroupant:
mal-être, souffrance, honte, TCA et travail sur soi.
Je l'ai rencontré entre deux cartons pour échanger sur son histoire juste avant son déménagement.
Tout naturellement, nous avons abordé le sujet du corps par une étape de sa vie rudement menée, regroupant:
mal-être, souffrance, honte, TCA et travail sur soi.
Musique : "Mon corps" - Zaho De Sagazan




"J’ai eu des troubles alimentaires pendant très longtemps : anorexie et boulimie.
Aujourd'hui, ça ne m’envahit plus la vie.
Cette maladie n’existe plus dans mon quotidien mais je sens que certains points sont encore présents.
Je me demande si la question "À quel point je me sens vraiment à l’aise avec mon corps ?" ne serait pas plutôt :
"Est-ce que je me sens grosse ou pas ?"
À une période où je me sentais très bien physiquement, je me suis dit que ça ne durerait pas.
Je me suis demandée si je ne m’en étais pas sortie aujourd'hui parce que j'ai une morphologie mince à la base.
Est-ce que si j’avais été moins mince, je m’en serais sortie ?
J'ai passé 10 ans de ma vie avec des mécanismes bien précis;
mais le rapport au corps en tant que femme dans notre société actuelle me questionne.
Quelle femme ne se sent pas parfois mal à l’aise ?
Les mecs aussi peuvent parfois ne pas se sentir bien dans leur corps.
Et de là, je ne sais pas si ça fait partie du trouble alimentaire ou si c’est juste normal."
Aujourd'hui, ça ne m’envahit plus la vie.
Cette maladie n’existe plus dans mon quotidien mais je sens que certains points sont encore présents.
Je me demande si la question "À quel point je me sens vraiment à l’aise avec mon corps ?" ne serait pas plutôt :
"Est-ce que je me sens grosse ou pas ?"
À une période où je me sentais très bien physiquement, je me suis dit que ça ne durerait pas.
Je me suis demandée si je ne m’en étais pas sortie aujourd'hui parce que j'ai une morphologie mince à la base.
Est-ce que si j’avais été moins mince, je m’en serais sortie ?
J'ai passé 10 ans de ma vie avec des mécanismes bien précis;
mais le rapport au corps en tant que femme dans notre société actuelle me questionne.
Quelle femme ne se sent pas parfois mal à l’aise ?
Les mecs aussi peuvent parfois ne pas se sentir bien dans leur corps.
Et de là, je ne sais pas si ça fait partie du trouble alimentaire ou si c’est juste normal."



En ouvrant sa penderie, Mila me fait découvrir sa multitude de vêtements. Tous plus colorés les uns que les autres,
chinés à droite à gauche, au style vintage et parfois même décalé. À chaque fringue son histoire.
Elle m'explique ses trouvailles avec enthousiasme et me raconte l'importance que cela représente pour elle.
chinés à droite à gauche, au style vintage et parfois même décalé. À chaque fringue son histoire.
Elle m'explique ses trouvailles avec enthousiasme et me raconte l'importance que cela représente pour elle.
"Les fringues me donnent confiance en moi, c’est pour ça que j’en ai autant.
Quand je ne suis pas à l’aise dans mon corps, je vais mettre des vêtements camouflants pour ne pas être remarquée.
En revanche, quand je me sens bien, je vais m'habiller de sorte à ce que l'on me voit davantage
et ça va me donner beaucoup de force.
J’adore l’été mais avec mes bras abimés ça devient compliqué de m'habiller.
Quand je vois du monde, à la fac ou en stage, je mets des manches longues et j'ai trop chaud."
En revanche, quand je me sens bien, je vais m'habiller de sorte à ce que l'on me voit davantage
et ça va me donner beaucoup de force.
J’adore l’été mais avec mes bras abimés ça devient compliqué de m'habiller.
Quand je vois du monde, à la fac ou en stage, je mets des manches longues et j'ai trop chaud."


"J’ai commencé à être suivi à l'âge de15 ans quand mes parents avaient remarqué un mal-être chez moi.
Je n’allais plus à l'école, J'ai été absente pendant tout un trimestre au lycée.
Je passais mon temps à manger et vomir. Ma mère voyait même des sacs de vomis sur le rebord de ma fenêtre.
Je n'en pouvais plus et mes parents aussi. Mais j’essayais de les préserver au maximum parce que j'avais honte.
Je ne disais rien mais tout était visible dans mes comportements, à tel point qu'ils ont dû mettre des cadenas sur le frigo.
Pour moi la seule solution c’était l’hospitalisation.
Le problème c'est qu'en pédopsychiatrie c’est très compliqué.
En décembre mon psychiatre a fait des demandes d'inscription et j’ai pu obtenir une place que 3 mois plus tard.
Mais ça, c'est parce que j’ai fait une tentative de suicide. Sinon j’aurais pu attendre encore longtemps..."
Je n’allais plus à l'école, J'ai été absente pendant tout un trimestre au lycée.
Je passais mon temps à manger et vomir. Ma mère voyait même des sacs de vomis sur le rebord de ma fenêtre.
Je n'en pouvais plus et mes parents aussi. Mais j’essayais de les préserver au maximum parce que j'avais honte.
Je ne disais rien mais tout était visible dans mes comportements, à tel point qu'ils ont dû mettre des cadenas sur le frigo.
Ma sœur me racontait parfois me voir en pleine crise de boulimie mais je ne m'en rendais pas compte.
Je me souviens quand elle m’avait dit un soir :
« Est-ce que tu peux vomir quand je ne suis pas là ? Parce que moi aussi je n’arrive pas à dormir."
Je ne sais même pas comment j’ai pu en arriver jusque-là. C’était hyper envahissant.Je me souviens quand elle m’avait dit un soir :
« Est-ce que tu peux vomir quand je ne suis pas là ? Parce que moi aussi je n’arrive pas à dormir."
Pour moi la seule solution c’était l’hospitalisation.
Le problème c'est qu'en pédopsychiatrie c’est très compliqué.
En décembre mon psychiatre a fait des demandes d'inscription et j’ai pu obtenir une place que 3 mois plus tard.
Mais ça, c'est parce que j’ai fait une tentative de suicide. Sinon j’aurais pu attendre encore longtemps..."


"C'est compliqué parce qu'il y a de la souffrance.
En psychanalyse, on dit que les symptômes ont une fonction. C’est-à-dire qu’ils servent à quelque chose.
Donc moi d’un côté j’étais en souffrance, mais si j'étais en souffrance c’est que ces symptômes avaient besoin d'être là.
Quand tu es en phase d’anorexie tu te sens puissante et forte.
Mais à l'inverse, dans les phases de boulimie tu n'as qu'une envie, c'est que ça s’arrête.
La fac m'a beaucoup aidé. J’avais passé le lycée, j'avais un rythme à tenir et j’étais obligée d’aller en cours.
En psychanalyse, on dit que les symptômes ont une fonction. C’est-à-dire qu’ils servent à quelque chose.
Donc moi d’un côté j’étais en souffrance, mais si j'étais en souffrance c’est que ces symptômes avaient besoin d'être là.
Quand tu es en phase d’anorexie tu te sens puissante et forte.
Mais à l'inverse, dans les phases de boulimie tu n'as qu'une envie, c'est que ça s’arrête.
La fac m'a beaucoup aidé. J’avais passé le lycée, j'avais un rythme à tenir et j’étais obligée d’aller en cours.
Pour m'en sortir sur du long terme plutôt que d'arrêter tout d'un coup, j'ai arrêté les comportements petit à petit.
J’ai commencé par arrêter de fumer parce que je fumais des bédos.
Après ça, c'était la mutilation. Ensuite : l’alcool. Puis les TCA petit à petit.
Ça a été très dur et frustrant parce que ton meilleur allier dans ces cas-là, c’est le temps.
Mais quand tu n’en peux plus et que tu souffres depuis des années, tout ce que tu veux c'est que ça s’arrête maintenant."
J’ai commencé par arrêter de fumer parce que je fumais des bédos.
Après ça, c'était la mutilation. Ensuite : l’alcool. Puis les TCA petit à petit.
Ça a été très dur et frustrant parce que ton meilleur allier dans ces cas-là, c’est le temps.
Mais quand tu n’en peux plus et que tu souffres depuis des années, tout ce que tu veux c'est que ça s’arrête maintenant."



Tout en m'expliquant son histoire et son combat, je comprends toute la force que ces épreuves lui ont apportées. Je découvre des dessins, des carnets, des pensés, des émotions mais aussi et surtout une femme courageuse
aux multiples blessures qui a pris la décision de vivre et d'avancer.
aux multiples blessures qui a pris la décision de vivre et d'avancer.
"On ne va jamais en psycho par hasard.
Moi, à la base je voulais être flic.
Quand j'avais 11 ans, j'ai vu le film Polisse de Maïwenn. Je me suis dit que c’était ça que je voulais faire:
travailler pour la brigade des mineurs.
Après avoir validé mon bac L spécialité Droit avec une période de lycée plutôt compliquée,
je ne me projetais plus de faire des études supérieures dans le Droit.
Je me disais "Fais ce qu'il te plait".
À cette époque avec tout ce que j'ai traversé, je m'étais intéressée et je me documentais sur la psychologie sans pour autant vouloir en faire mon métier.
Je voulais juste faire un truc qui m’intéressait alors je me suis lancée dans des études de psychologie en me disant que je passerais les concours de brigadière par la suite.
Mais en licence, j’ai découvert la psychanalyse. J’ai tellement adoré que ça a complètement changé mon projet de vie.
Et je pense aussi que ça m’a aidé à aller mieux."
Quand j'avais 11 ans, j'ai vu le film Polisse de Maïwenn. Je me suis dit que c’était ça que je voulais faire:
travailler pour la brigade des mineurs.
Après avoir validé mon bac L spécialité Droit avec une période de lycée plutôt compliquée,
je ne me projetais plus de faire des études supérieures dans le Droit.
Je me disais "Fais ce qu'il te plait".
À cette époque avec tout ce que j'ai traversé, je m'étais intéressée et je me documentais sur la psychologie sans pour autant vouloir en faire mon métier.
Je voulais juste faire un truc qui m’intéressait alors je me suis lancée dans des études de psychologie en me disant que je passerais les concours de brigadière par la suite.
Mais en licence, j’ai découvert la psychanalyse. J’ai tellement adoré que ça a complètement changé mon projet de vie.
Et je pense aussi que ça m’a aidé à aller mieux."



"J’ai beaucoup de chance de m’en être sortie.
J’ai connu 6 hospitalisations, 2 personnes suicidés, d’autres qui sont encore en plein dedans...
Après toutes ces épreuves et son lot de remise en question, de responsabilité, d'accompagnement, d'aide...
vient une part de motivation ou plutôt d’envie de vivre.
Je crois que j’avais trop envie de vivre et c’était impossible pour moi de continuer de cette façon.
J’ai connu 6 hospitalisations, 2 personnes suicidés, d’autres qui sont encore en plein dedans...
Après toutes ces épreuves et son lot de remise en question, de responsabilité, d'accompagnement, d'aide...
vient une part de motivation ou plutôt d’envie de vivre.
Je crois que j’avais trop envie de vivre et c’était impossible pour moi de continuer de cette façon.
Je me souviens de la période où je commençais à aller mieux: simplement le fait d'entendre les oiseaux, de sentir que j’existe, que mon corps fonctionne, de pouvoir ressentir la musique en concert, de voyager...ça fait vivre des trucs de fou. C’est trop bien."
MILA
2023
2023
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Projet photo à l'argentique - EKTAR 100